Diplômé de Ponts et Chaussées Paris, Steve Fogue, CEO de Particeep décrypte pour le Magazine Investir au Cameroun les opportunités que peut offrir la Fintech aux institutions financières du pays, au moment où se met progressivement en place une véritable économie numérique.

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Investir au Cameroun : Vous êtes cofondateur et président en France d’une start-up dénommée Particeep, laquelle structure opère dans le domaine de la technologie financière (Fintech). De quoi s’agit-il concrètement ?

Stève Fogué : Le néologisme Fintech est une contraction de finance et technologie. Ce terme a été inventé aux Etats-Unis pour désigner des jeunes pousses qui modifient véritablement les façons de faire de l’industrie des services financiers (banque-assurance-investissement) via une rupture de technologie ou d’usage.

Particeep opère dans ce domaine et propose aux institutions financières une solution logicielle personnalisable en mode SaaS (software as a service), leur permettant de lancer en ligne leur service de commercialisation de produits d’épargne ou de financement de projets.

Particeep a, par ailleurs, obtenu la distinction de future Fintech star européenne de l’année 2016 pour le caractère innovant de sa technologie, emblématique de la révolution digitale à l’œuvre dans l’industrie financière.

IC : Peut-on dire que Particeep propose une solution de bourse en ligne, une sorte de marché financier virtuel ?

SF: Non ! Nous ne sommes pas positionnés sur les marchés financiers. Au contraire, avec notre solution logicielle B2B de création de place de marché d’investissement non coté, nous avons l’ambition de créer un choc sur le financement de l’économie réelle.

Nous avons développé un moteur de fonctionnalités financières accessible en ligne via notre API (Application Programming Interface), qui dématérialise tout le cycle de vie d’un investissement sur un actif financier non coté (capital, prêt, obligations, fonds communs de placement), depuis l’identification jusqu’à la sortie.

Avec notre moteur de fonctionnalités, les institutions financières peuvent donc développer rapidement en ligne leurs services d’épargne ou de financement et offrir une expérience client personnalisée.

Par sa simplicité d’utilisation, notre technologie permet à tout acteur financier de commercialiser en ligne ses services d’épargne ou d’investissement sur les actifs non cotés et de contribuer ainsi au développement de l’économie réelle.

IC : Vous venez de réussir une opération de levée de fonds de 800 000 euros, ce qui représente plus d’un demi-milliard de francs CFA. Comment s’est déroulé ce fundraising et à quoi vous serviront ces financements ?

SF: Réaliser cette opération nous a pris six mois. Un mois pour préparer les supports et la thèse d’investissement ; trois mois pour rencontrer les investisseurs spécialisés dans le secteur de la Fintech et deux mois pour les négociations et le closingjuridique.

Nous avons donc pu réaliser cette levée de fonds de 800 000 euros auprès d’AXA et BPI, nos investisseurs historiques, et avons accueilli un nouvel actionnaire JMYX holding, qui est un fonds de capital-risque dirigé par Jean Losco, Fondateur de Fircosoft, leader mondial dans l’édition de logiciel de filtrage de flux bancaires.

Cette levée de fonds porte à 1,3 million d’euros (884 millions de francs CFA) le montant des fonds levés depuis notre création.

Ces fonds serviront à la recherche et au développement, au recrutement et au développement commercial sur les marchés internationaux parmi lesquels on compte l’Afrique et, évidemment, le Cameroun.

IC : Etes-vous déjà présents ou alors avez-vous des projets sur le Cameroun ?

SF : Nous sommes présents dans certains pays d’Afrique du Nord et d’Afrique centrale et avons des projets sur le Cameroun.

IC : Quels sont les pays d’Afrique dans lesquels vous êtes déjà actifs et qu’y proposez-vous concrètement à vos différents clients?

SF : Particeep est présent au Maroc, en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Nous proposons à nos clients comme Afrikwity une plateforme personnalisable et clé en main, leur permettant de lancer leur activité de financement de projets.

Nous comptons également parmi nos références des sociétés financières adossées à des banques qui proposent leurs services en ligne à travers notre solution en marque blanche.

Nous permettons donc aux établissements financiers et de micro-finance de proposer leurs services sur des canaux web et mobile, en s’appuyant sur une technologie éprouvée.

IC: Concrètement, que pouvez-vous apporter aux institutions financières en activité au Cameroun ?

SF : Nous avons adapté notre technologie aux usages locaux. Le mobile banking est, de ce point de vue, un axe de développement majeur.

Notre technologie permet aux institutions financières actives au Cameroun d’effectuer tout type d’opérations (épargne, investissement, financement portables accessibles sur mobile, tablette ou applications personnalisées) à partir d’une offre numérisée et d’un échantillon large de services digitaux.

IC : Quels avantages l’expertise de Particeep pourrait apporter dans le fonctionnement et la gestion des institutions financières camerounaises ?

SF : Je compte deux principaux avantages. D’abord, augmenter la bancarisation en facilitant l’accès des populations aux services financiers à travers une offre numérique mobile.

D’un point de vue du fonctionnement ensuite, un système en mode SaaS est la garantie d’une maitrise des coûts d’investissements, et donc un puissant levier vers des économies d’échelle (lancement des services, sécurisation des données et évolutivité de la technologie …) Le numérique ouvre la voie à d’importants gains de productivité.

IC : Votre activité repose essentiellement sur la fiabilité et la robustesse des infrastructures télécoms et TIC. Quel regard portez-vous sur le niveau de développement actuel de ces infrastructures au Cameroun ?

SF : Une révolution numérique est en cours au Cameroun. Nous ne savons pas combien de temps cela durera, mais il est clair qu’il y a un mouvement de fond qu’on ne peut ignorer.

Plusieurs projets d’infrastructures voient le jour, les entreprises se digitalisent et on note une émulation de l’écosystème des start-up.

Parmi les marchés porteurs, nous avons identifié la numérisation des entreprises. Les institutions financières n’échappent pas à cette révolution. Citons à ce titre les problématiques de business intelligence ou encore d’échange sécurisé d’informations personnelles ou monétaires.

IC : Selon vous, une révolution numérique se prépare au Cameroun. Voyez-vous un ou des leviers sur lesquels les acteurs aussi bien institutionnels que privés peuvent actionner pour accélérer le processus ?

SF : Je ne pense pas avoir suffisamment de recul pour identifier des leviers pertinents. Mais, par exemple, le taux de pénétration d’internet (dans le pays) atteint à peine 10%. Par conséquent, si on souhaite assister à une révolution numérique, je pense qu’il serait intelligent de mettre en place des infrastructures et un réseau de transmission permettant un accès internet de qualité aux populations et à moindre coût.

IC : Vous soutenez que la digitalisation des entreprises est une opportunité à saisir au Cameroun. Etes-vous toujours aussi optimiste si l’on vous précise que 90% des entreprises camerounaises sont des PME sans grands moyens financiers, très peu enclines à la transparence managériale, et dont la gestion quotidienne est souvent aux antipodes des normes?

SF : On va dire que je suis d’un optimisme prudent. Néanmoins, opérer une transition digitale via des solutions technologiques en mode SaaS permet de s’affranchir de lourds investissements liés à l’installation, à la maintenance et à la mise à niveau d’une infrastructure interne. Ce modèle me semble donc pertinent pour des PME sans moyens financiers.

Au sujet de la transparence et des méthodes de gestion, nous assistons à un changement générationnel et à une intensité technologique, qui impactera fortement à moyen et long terme les standards de collaboration en interne et en externe pour les PME. Sur ce point, je pense qu’il faudra faire preuve de patience avant d’assister à une conversion complète à ces nouveaux usages.

IC : Cet état des lieux des infrastructures télécoms et de l’environnement des entreprises au Cameroun est-il propice au déploiement optimal des activités de Particeep dans ce pays ?

SF : Dans un pays avec une population de 23 millions de personnes, une croissance supérieure à 5% et 90% des systèmes d’information obsolètes, il me parait évident que nous pouvons nous positionner en tant que catalyseur de la numérisation des sociétés financières, en mettant notre logiciel à leur disposition.

Ces sociétés pourront donc se focaliser sur le développement de leur activité, bénéficier d’une technologie en mode SaaS évolutive adaptée à leurs méthodes et réaliser des gains de productivité sans investissement préalable.

IC : Soyons plus concret ! La Fintech peut-elle se développer dans un pays dans lequel le taux de pénétration de l’internet atteint à peine 10%, où le taux de bancarisation frôle à peine 20%, et où la qualité de l’internet reste questionnable ?

SF : Pour être plus concret, le Kenya, par exemple, a vu son taux de bancarisation croître de 58% suite à l’accès aux services financiers par le biais de la technologie mobile.

A Madagascar, un acteur a proposé un système de rémunération de l’épargne via le mobile ; ce qui a eu comme résultat d’augmenter le taux d’épargne de la population.

Etant donné le taux de pénétration du mobile qui est supérieur à 70% au Cameroun, l’effet de levier d’une faible bancarisation des populations sur l’essor du mobile banking et du digital banking est indéniable. De ce fait, l’environnement est propice au développement des Fintech.

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